• Et il dit d'Erri DE LUCA

    Et il dit d'Erri DE LUCCAGallimard - 6 avril 2012 - ISBN : 9-782070-134755 - 103 pages

    Lorsque j'ai rédigé l'article sur la causerie avec Jean-Pierre WINTER j'ai écouté l'émission de France Culture et noté la référence de cet ouvrage, aussi réservé grâce au réseau des bibliothèques départementales.

    Dans une langue poétique et puissante, l'italien Erri De Luca revisite le décalogue, en l'éclairant de sa connaissance de la langue juive. Enrichissant à plus d'un titre. Et émouvant quand il évoque dans le court final, En marge du campement, ses rapports au judaisme : "L'écriture hébraique finit avec : vaiaal, et il monta. En revanche, moi je descends ici." (p. 103)

    Les hommes, les femmes et la transmission

    "Sans mémoire, un homme est un précipice. Le genre masculin doit servir à ça, à transmettre ce qu'il a reçu, à laisser dit. Une femme reproduit le monde avec ses entrailles, il reste à l'homme à se souvenir, ça lui revient. Telle est sa contribution envers les générations." (p. 27)

    Le texte de l'alliance exprime le "tu" au masculin (l'hébreu permettant cette distinction) --> "c'était donc aux hommes qu'il revenait de trabsmettre les clauses et les lignes d'alliance avec la divinité. [...] Du reste, dans leur langue, les mots mâle et souvenir ont la même racine." (p. 47)

    Quelques autres citations, pour le plaisir

    "Celui qui va à travers monts est un vagabond." (p. 13)

    "Celui qui s'approche d'un arbre sait qu'il est enlacé par son ombre. En échange, il donne uune caresse au tronc." (p. 14)

    "La légende dit qu'un ange efface le souvenir de ce qu'un nouveau-né a connu dans le ventre de sa mère [le doigt posé au dessus de la lèvre supérieure, d'où ce creux si caractéristique du philtrum]. Il faut vider son sac avant de naître. Dans le placenta, les enfants connaissent tout le passé, les langues, les aventures, les dangers et les métiers. Leur squelette est devenu poisson, reptile, oiseau avant de s'arrêter à la dernière station. L'effort d'expulsion du corps de la mère sert à oublier. La rupture des eaux ouvre la brèche qui se referme aussitôt derrière, après le plongeon dans le vide. Tel est le monde pour celui qui vient d'un ventre. Le saut dans le sec produit l'annulation de toute la sagesse accumulée dans le sac du placenta. On s'enracine mieux en oubliant d'où l'on vient." (p. 16-17)

    [Le frère de Moise à ce dernier ] : "Tu n'es pas tombé du ciel et la terre n'est pas un endroit pour anges en exil. [...] La terre est notre substance, c'est d'elle que nous sommes faits et d'eau [...]. Tu es de l'espèce humaine, regarde autour de toi et reconnais enfin. La terre est notre hauteur piétinable. [...] Tu es allé bien des fois là-haut pour chercher la limite où la terre s'arrête et je suis venu avec toi. Nous avons la même expérience, le sommet est une voie sans issue d'où l'on doit simplement revenir sur ses pas. Là-haut, la terre n'a rien d'autre à ajouter. On doit toujours descendre, démissionner de la hauteur atteinte. Regarde en bas maintenant, règle ta vue sur la distance courte, retrouve la mesure et la hauteur de la terre. L'élan qui te pousse à escalader les montagnes, à chevaucher les hauteurs est fantastique, mais plus grande est l'entreprise qui consiste à être à la hauteur de la terre, de la tâche de l'habiter qui nous est assignée." (p. 25-26)

    "Les souvenirs appartiennent au règne des oiseaux, ils laisent une plume quand ils s'en vont. Grâce à elle, on sait à quelle espèce ils appartiennent." (p. 29)

    "Un homme qui existe pour soi-même se compare à la divinité." (p. 34)

    Après qu'Eve eut fait l'effort d'aller chercher le fruit de l'arbre de la connaissance sur une haute branche de l'arbre, au lieu d'attendre qu'un fruit tombe, ce qui serait arrivé tôt ou tard, Dieu "annonce [les] conséquences physiques à la suite de l'irruption de la connaissance, qui n'est jamais un tort. L'ignorance est un tort. Et que les phrases dela divinité ne soient pas punitives, c'est ce qu'on trouve écrit ici : 'Et fit Yod Elohim pour Adam et pour sa femme des tuniques de peau et il les couvrit' : le geste le plus prévenant et affectueux, un début de trousseau." (p. 50)

    "Donne du poids à ton père et à ta mère. [...] Lorsqu'ils mourront, tu continueras à leur donner du poids en les nommant dans ton souvenir." (p. 69-70)


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